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Vie et oeuvre de Saint Sava, par B. Bojovic

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VIE ET ŒUVRE DE SAINT SAVA
Par le Professeur Bosko BOJOVIC

Chargé de Conférences-à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales

Personnage éminent, fondateur de l’Église autocéphale serbe et initiateur de l’esprit et traditions serbes. Il est fêté de tout temps et partout le peuple serbe, sous forme d’académies, de discours, et de réunions qui le célèbrent tous les 27 janvier, depuis les plus grandes villes jusqu’aux plus petits villages. Les enfants apprennent à le vénérer et à s’inspirer de sa générosité, et de sa tolérance. Dans les écoles, ils chantent leur reconnaissance au fondateur des écoles serbes et au législateur qui a donné au peuple serbe ses règles de vie.

Rastko (devenu Sava) NEMANJIC est le troisième fils de

Stefan NEMANJA (règne 1166-1196),
Fondateur de la dynastie dés NÉMANJIC en Serbie.

Il naît en 1175 et est nommé par son père, Gouverneur de Houm (Herzegovine), province comptant une région insuffisamment christianisée à l’époque.
En 1191, il abandonne ses fonctions, et prétextant un départ à la chasse, suit un moine russe qui se rend au Mont-Athos. Là, chez les moines du Rusikon, plus tard revêt l’habit monastique, puis se rend au Vatopedi les Grecs. Deux ans plus tard, il devient moine.
Quelques années après, en 1196, Stefan NEMANJA, le père de abdique en faveur de son second fils Stefan NÉMANJIC, qui avait épousé la fille de l’Empereur de Byzance Alexis-Ange (1195-1203).
Avant son abdication Stefan Nemanja, le jupan de Serbie, père de Sava, fonde le monastère Studenica (en 1186) chef d’œuvre d’architecture et de peinture de style byzanto-serbe, puis il rejoint son fils chez les Grecs, à Vatopedi. Il leur apporte, à eux et aux autres monastères, des cadeaux somptueux et mémorables.

 

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Cependant, le père, devenu Siméon, et le fils , songent à fonder un monastère serbe au Mont Athos, le Chilandar.
En 1188, l’autorisation de l’Empereur de Byzance pour Chilandar est donnée par une bulle d’or (chrysobulle), qui offre un morceau de territoire du Mont Athos en donation éternelle. Chilandar devient très vite une sorte d’Université partir de laquelle sont diffusés des textes romano-byzantins de très haut niveau et qui répandent la culture byzantine et la spiritualité orthodoxe. Siméon meurt en 1200.
Peu de temps après, en 1204, les Croisés envahissent toute la région et l’Empereur de Byzance est obligé de se réfugier à Nicée, en Asie Mineure. Les deux frères de se disputent le trône. transporte les restes de son père sur place, pour tenter de les réconcilier.Il faut savoir que les reliques des saints ont une importance considérable chez les orthodoxes. Elles inspirent le respect, incitent à la dévotion, engendrent des prises de conscience et font des miracles.
reste en Serbie pendant un certain temps, 1207-1217, pour travailler à l’organisation de l’Église Serbe, qui, à l’époque, est subordonnée à l’Archevêché d’Ohrid.
Stefan, le grand jupan, installé sur le trône par son père et homonyme, devenu le moine Siméon, devient le roi, Stefan, le premier couronné (Prvovencani) en 1217. Il obtient la couronne royale de , des mains du pape Honorius III (1216-1227). L’épouse byzantine de Stefan est répudiée (on suppose qu’elle ne sert plus à rien puisque son père l’Empereur Byzance s’est enfui devant les Croisés à Nicée. Le couple royal ne s’entendait pas très bien depuis le début du mariage.

C’est la dernière couronne accordée par la papauté aux rois et empereurs de l’Europe Orientale : la scission est déjà faite entre les deux Églises chrétiennes.

 

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Sava se rend ensuite à Nicée (1219) pour obtenir le titre d’Archevêque de Serbie, puis il revient au Mont Athos et y reste jusqu’en 1220. Le Patriarche de l’autorise à fonder une Église serbe autocéphale. A partir de cette époque, Archevêques serbes seront élus dans le pays et ne seront plus imposés par le Patriarcat de .En 1220, Sava entreprend une œuvre de très grande importance. Il traduit et aménage le Code juridique du Droit romano-byzantin, comprenant les lois de Justinien : le NOMOCANON. Ce vaste ouvrage contient non seulement l’ensemble des lois qui régissent la société, mais aussi les règlements de l’Église, leProchérion. C’est un livre colossal dans lequel la loi classique est adaptée au mode de vie des Slaves. En Serbie, il est désigné comme « Zakonopravilo », et en Russie comme « Kormcaja Knjiga ».

L’État de Serbie est dirigé selon cette loi, jusqu’à la réforme constitutionnelle de l’Empereur Stefan-Dusan, avec le « Zakonik », promulgué en 1349 et en 1354.

Sava est intronisé au Monastère de Zica où il devient l’Archevêque serbe en 1220. IL créé douze évêchés : deux sur la Côte Adriatique et dix autres dans l’intérieur des terres.
Ayant accompli son travail d’organisateur de l’Église serbe, il abdique en 1234 en faveur d’Arsène 1er, pour entreprendre son deuxième voyage en Terre Sainte et au Proche-Orient.

Demetrios Chromatianos, archevêque d’Ohrid, entretient des relations privilégiées avec le roi Radoslav, fils aîné du premier roi couronné, Stefan, devenu roi à son tour. Radoslav (1228-1233/4), de mère byzantine, est très proche de la culture grecque, mais l’autonomie de l’Église serbe réussit à se maintenir malgré cela.

 

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De retour de Terre Sainte, Sava se rend à Tarnovo, capitale de la Bulgarie, pour tenter d’aplanir le conflit surgi entre le Patriarcat Œcuménique et la Bulgarie. Il meurt à Tarnovo le 27 janvier 1235.
Certains orthodoxes affirment que est mort le 25 janvier, mais que la nouvelle avait mis deux jours pour parvenir en Serbie. Les Russes et les Bulgares fêtent donc le 25 janvier.
Le roi de Bulgarie refuse d’abord de se séparer du corps de Saint . II l’enterre à l’église des 40 Martyrs, à Tarnovo. Deux ans après la mort de Saint Sava, les Serbes obtiennent gain de cause et le corps de Saint est transféré au Monastère de Milesevo, fondation du roi Vladislav (1233/4-1243). Tout le monde connaît la fresque de l’Ange Blanc de Milesevo, choisie par Jean Monnet pour symboliser l’Europe.A cette époque, Saint Sava suscite des dévotions impressionnantes. Des gens de toutes religions viennent s’incliner devant son corps. Plus tard, après le XVème siècle, même les musulmans se mettent à faire des pèlerinages et se recueillent sur ses reliques. Cela arrivait à l’époque, que des personnes de religion différente viennent se recueillir devant les Saints serbes (même maintenant, il arrive que des Albanais pieux viennent s’incliner devant le roi Stefan à Decani, ou devant Saint Vasilije au Monténégro).

Sinan Pacha trouve cette dévotion très dangereuse pour l’ordre établi dans la région. D installe un bucher et brûle les restes de Saint sur la colline de Vracar de Belgrade (1594). A l’emplacement du bûcher est érigée la très grande église de Saint , aujourd’hui encore inachevée.
Le fait de le brûler n’a rien empêché. Les Grecs, les Russes, les Bulgares et les Roumains continuent à fêter Saint Sava.

L’Œuvre de Saint SAVA

Non seulement Sava a été celui qui a traduit et établi le droit canon et la jurisprudence par le Nomocanon (Zakonopravilo), livre impressionnant composé en Slavon, mais il est le fondateur de la littérature serbe.

Au Moyen-Âge il était de coutume de citer des anciens. Les moines faisaient un travail de recherche et d’érudition qu’ils ne signaient pas. Ils composaient plus rarement des œuvres originales.

 

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Les Hagiographies (biographies des saints) et des Chroniques locales étaient écrites en concordance avec l’importance d’un État.Saint Sava nous a laissés des textes dans des domaines variés. En dehors des textes législatifs cités, il nous a transmis des Typicons de Chilandar, puis de Studenica (le Typicon ou Charte de la Fondation de Chilandar servant de modèle à celui de Studenica).

Il a écrit une vie de son père, le moine Siméon, qui est une œuvre agrémentée d’images poétiques et de récits vivants : un témoin authentique raconte la biographie d’un roi qui lui était très proche.

Il nous a laissé aussi, des instructions nominatives et surtout, la codification du droit romano-byzantin, le Droit Canon Ecclésiastique. L’Introduction du Droit matrimonial dans le Droit Canon donne à l’Église le droit de regard sur la conduite entre époux.

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque régie par un vague droit coutumier. Le droit romain s’il existait, n’était pas utilisé dans l’Europe féodale.

Pour la première fois, grâce à Saint Sava, le Droit Constitutionnel était appliqué en Serbie, qui était un pays bien organisé. L’original byzantin de la version grecque, que Sava a utilisé poux la rédaction de son Nomocanon n’a jamais été trouve Nous ne possédons que l’ouvrage de Saint Sava, une adaptation aux conditions de la Serbie et de l’idée qu’il en avait.

 

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À Byzance, l’Église était plus où mois soumise au pouvoir de l’Empereur. Saint Sava réussit à harmoniser les rapports enter l’Église et l’État et à donner sa place à chacun d’eux. L’Archevêque est dorénavant élu par les évêques et seulement après, nommé par le roi. Le roiMilutin tente un peu plus tard d’imposer son conseiller ecclésiastique à la tête de l’Église. Ce dernier n’est pas choisi des Évêques. Il a fallu qu’il attende qu’il fasse ses preuves sur un plan strictement religieux, pour devenir finalement Archevêque, accepté par ses Pairs comme étant le meilleur, après la mort du roi Milutin (1282-1321).Saint Sava a créé un mode de vie spécifiquement serbe, adaptation entre les deux mondes, celui de l’orient et celui de l’occident. Ce qui correspond à la situation géographique de la Serbie. En écrivant la biographie de son père, Stefan Nemanja (Saint Siméon), Saint Sava a usé du droit donné à chaque fondateur de l’Église d’écrire une hagiographie même si la personne choisie n’est pas un saint.
L’ouvrage est d’une très grande valeur par sa sincérité et sa sobriété, l’absence de récit de miracles. Une émotion tendre et contenue transparaît tout au long du récit.

Une deuxième biographie, écrite par son deuxième fils Stefan Prvovencani, avant 1217, moins personnelle et plus historique englobe dans la vie de Saint Siméon, la période d’avant son monachisme. En décrivant l’atmosphère dans le jupanat, cette deuxième biographie fournit beaucoup de renseignements sur l’œuvre politique et monastique de Stefan Nemanja-Saint Siméon. Ce genre « historique » évolue par la suite vers deux styles différents :
– l’Hagiographie proprement dite, dans un sens plus traditionnel;
– les Chroniques du Royaume.

Fausses données historiques propagées actuellement

On raconte, probablement avec une mauvaise intention, que Saint Sava était nationaliste. C’est absolument faux. Il n’était pas non plus œcuménique avant la lettre, mais son enseignement et son œuvre sont empreints de tolérance et d’enseignement évangélique.

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Son « Zakonopravilo » (Nomokation); synthèse du Droit byzantin et latin en est une preuve flagrante.
L’Église serbe de l’époque était organisée et hiérarchisée. Elle était plus tolérante que les Églises de Rome et de Constantinople. Les Bogoumiles, qui étaient des hérétiques dangereux pour l’État, n’étaient pas exterminés. À la même époque, la pourchassait les Cathares de façon sanglante jusqu’à les faire disparaître.
La plus grande punition, pour le principal prêcheur des Bogoumiles qui mettait en danger la sécurité de l’État, a été de lui fendre la langue pour qu’il ne puisse plus prêcher…Quel sort aurait-il subi ailleurs en Europe, à cette époque ?
Sur la côte vivaient dés Serbes catholiques. Personne ne les remettaient en question – les Ragusains; bourgeois de Dubrovnik, étaient des Serbes catholiques -. Les évêques catholiques cohabitaient avec les évêques orthodoxes, les Vladikas. Une fresque célèbre montre le roi, au centre, entouré de chaque côté par douze évêques orthodoxes et douze évêques catholiques.
Lors des Jugements de tribunaux, les jurys étaient mixtes, moitié catholique et moitié orthodoxe. Le roi Dusan a même fait une Constitution limitant le pouvoir absolu des têtes couronnées. Le roi ne fait pas exception à la règle Commune. Il doit se conformer à la loi générale comme les autres sujets. En cas de litige, des moyens ont été inventés par Dusan pour obliger le roi à se conformer à la règle commune.
La Serbie a conservé l’empreinte des règles de Saint dont elle est devenue indissociable, même aujourd’hui. Le Nomocanon de saint était copié par chaque évêque puis transmis à son successeur. Il a été diffusé très loin, jusqu’en Roumanie, Russie, Georgie, etc…Quoi que les calomniateurs de la Serbie aient pu inventer, l’héritage historique de la Serbie est la tolérance, insufflée en très grande partie par la bonté rayonnante de Saint Sava, vénéré et fêté partout comme le pasteur des Serbes et l’exemple auquel ils doivent se référer à tous les moments de leur vie. Si intolérance il y a eu, elle n’est apparue qu’au 19ème siècle, et encore, un peu moins de ce côté-ci que dans les pays voisins, même si ce moins est encore trop.

Tiré-à-part d’une conférence tenue dans le cadre de « l’Association Tradition et Culture Franco-Serbe ».

 

 

 

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